Si vous avez vu le film “Alexandre”, réalisé par Oliver Stone en 2005, vous savez sans doute que sa mère, Olympias (interprétée par la magnifique Angelina Jolie), n’était pas une mère comme les autres.
Intrigante, cruelle, puissante… Plusieurs attributs qui peuvent lui être attribués participent à la construction de la légende noire et mystérieuse qui auréole cette femme de l’Antiquité grecque.

Mais qui est-elle au juste ?

Fille de Néoptolème Ier, roi d’Épire (région des Balkans entre la Grèce et l’Albanie), Olympias est née vers 375 av. J.-C et a alors pour nom Polyxena. Elle se fait cependant appeler “Myrtale” à la suite de son mariage en -357. Et qui est l’heureux élu ? Nul autre que le roi Philippe II de Macédoine, avec qui elle met au monde le fameux Alexandre et sa soeur cadette, Cléopâtre (je vous vois venir mais non, il ne s’agit pas de la reine d’Egypte). Elle change à nouveau de prénom et se fait appeler “Olympias” en l’honneur de la victoire de son mari lors des Jeux Olympiques.
Pourquoi est-elle connue ?
Olympias est bien plus que la mère d’Alexandre le Grand. Elle est une figure intrigante de l’Antiquité, connue pour sa beauté et son influence politique puisqu’elle a joué un rôle actif dans les affaires du royaume.

©Musée du Louvre
Dist. RMN-Grand Palais / Maurice et Pierre Chuzeville
Elle a un rapport très important au divin et croit que son fils avait un destin hors du commun. Pas étonnant qu’il ait bâti un empire qui ne s’arrêta qu’aux portes de l’Inde… La jeune reine est profondément impliquée dans les rites religieux et les cérémonies mystiques, notamment ceux de Dionysos, dieu grec du vin et de la fête🍷.
A la mort de son époux (-336), Olympias est soupçonnée d’avoir été impliquée dans son assassinat. Encore un élément qui vient renforcer la vision de ce personnage comme d’une femme mystérieuse et intrigante.

En tout cas, force est de constater qu’il s’agit d’une femme de pouvoir (parfois décrite comme cruelle) qui a été active dans la construction du plus grand empire que le monde antique ait connu. Et ça, c’est pas rien !
Une badass de l’Antiquité, ça mérite quand même d’être connue.
Et l’histoire de Zeus et du serpent ?
On y vient, on y vient. Tout commence avec Plutarque (46-125 ap. J.-C.), un philosophe romain d’origine grecque qui a toujours des anecdotes croustillantes à raconter (vous vous rappelez de l’histoire de l’exercice des jeunes Spartiates qui devaient se battre contre les renards ? Eh bien c’est lui qui raconte l’anecdote de celui qui préféra mourir, dévoré par l’animal, plutôt que de gémir. Pour ceux qui ne l’ont pas lue et qui sont désormais intrigués, c’est par ici). En ce qui concerne notre chère Olympias, il nous en a pondu une belle d’anecdote ! Celle-ci est racontée dans son oeuvre sobrement intitulée La vie d’Alexandre :
Tout commence lors de la rencontre de la jeune fille avec Philippe, de dix ans son ainé. Olympias en a alors dix-huit. Elle était belle. Très belle. Par ses cheveux longs et roux et sa beauté enivrante, le roi de Macédoine en tomba fou amoureux. Et alors qu’ils consumèrent cette flamme lors de leur nuit de noces, le rêve de Philippe, dans lequel il marqua le ventre de son épouse d’un sceau représentant un lion, la prophétie d’Alexandre était née.
C’est que cette nuit devait être une nuit spéciale… Mais pas autant que celles à venir.
Plutarque raconte que le roi Philippe aurait observé, à travers le trou de la porte, sa femme et ses ébats avec Zeus (Jupiter en version romaine), qui aurait pris la forme… d’un serpent. Comble de l’histoire : cette nuit serait celle où aurait été conçu le futur conquérant. Le père de ce dernier serait donc nul autre que Zeus lui-même ! Surprenant, n’est-ce pas ? Mais si l’on songe à Zeus qui prit la forme d’une pluie d’or pour s’unir à Pandore, ou encore à ce dieu qui se transforma en taureau pour kidnapper Europa, la version du dieu des dieux en serpent n’est pas si choquante que ça finalement. Et comme si cela n’était pas suffisamment tragique pour Philippe, Plutarque ajoute que le roi aurait par la suite perdu l’oeil qu’il utilisa lorsqu’il espionna sa femme par la fente de la porte.

En tout cas, il nous est difficile de savoir l’avis d’Olympia sur la question : le philosophe évoque en effet une hypothèse selon laquelle Olympias aurait confié ce secret à son fils à son départ pour l’armée, confirmant ainsi cette rumeur, tout en citant certaines personnes affirmant qu’elle aurait vu ce mythe comme de l’impiété, la balayant ainsi du revers de la main.
Et qu’en pense le conquérant ?
Bien sûr, pour un conquérant, une telle légende est une aubaine. Peut-être même y a-t-il cru. C’est en tout cas ce que suggère son passage en -331 à l’oasis de Siwa, en Egypte, où est le sanctuaire de Zeus-Ammon (divinité entremêlant le dieu grec Zeus et le dieu égyptien Ammon). Dans ce lieu de culte, un oracle lui aurait révélé son origine divine, dont il se servira pour des raisons politiques.
Bien que cela relève de la légende, celle-ci pourrait expliquer pourquoi on dit fréquemment du roi Philippe qu’il avait peur de son épouse qui avait pour habitude de dormir avec des… serpents. Un effet post-traumatique peut-être ?
Sources :
Donald L. Wasson, traduit par Babeth Étiève-Cartwright, “Olympias”, World History Encyclopedia, 2013.
Gérard Lucas, “La réponse d’Ammon à Alexandre corrigée par Plutarque”, Les jeux et les ruses de l’ambiguïté volontaire dans les textes grecs et latins, Actes de la Table Ronde organisée à la Faculté des Lettres de l’Université Lumière-Lyon 2 (23-24 novembre 2000) Lyon : Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2005. pp. 189-205.
Plutarque, Vie d’Alexandre, 100-120 ap. J.-C. (traduction de Dominique Ricard).
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