Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Victoria, la créatrice de l’entreprise Bonâme qui propose un voyage dans le temps avec la vente et location de vêtements inspirés de costume d’époque, avec pour principales modèles de grandes femmes du XIXe et XXe siècle ! Un concept qui attisa bien évidement ma curiosité. Et vous me connaissez, j’ai pas pu m’empêcher de vouloir en savoir un peu plus…
Bonjour Victoria ! Pouvez-vous nous raconter la genèse de Bonâme ? Pourquoi avoir décidé de vous lancer dans cette aventure ?
L’idée de Bonâme a germé il y a longtemps. Sans doute dès mon enfance. Il a ensuite mûri au fil des années, s’est nourri de mes expériences et de mes précédents métiers. J’aime l’Art, intensément. La création, la peinture, les arts graphiques et décoratifs. A force d’arpenter les musées, de m’essayer à différentes techniques artistiques, l’idée de Bonâme a pris forme et s’est précisé. J’ai eu une marraine, très présente dans ma vie depuis mon enfance, formée aux Bureaux Arts et à l’ENSAD. Elle a partagé plein de choses avec moi, tout au long de sa vie. Parmi toutes les formes d’expression artistique auxquelles elle m’a sensibilisée, j’ai eu une fascination plus aiguë pour le costume. Les silhouettes exposées au musée de la mode, les étoffes et les robes majestueuses des portraits de femmes à travers les siècles.
Bonâme est à l’intersection de 3 cercles ; l’Art, la mode et les femmes remarquables. Le vêtement raconte énormément de choses sur nous, notre culture, nos envies. J’aimais l’idée que chaque femme exprime quelque chose d’elle-même dans ses choix vestimentaires. La mode est un éternel recommencement et s’est emballée dans un rythme fou et tyrannique qui lui fait perdre son essence. L’inscrire à nouveau dans ses racines, dans ses influences, dans son histoire est mon objectif avec Bonâme.

Quelle est la signification derrière le nom « Bonâme » ?
La racine vient de mon nom. Je m’appelle Victoria Bonnamour mais je ne voulais pas signer de mon propre nom mais induire l’esprit de toutes ces figures marquantes de notre histoire, leur présence, leur âme en quelque sorte…
Quelles sont les femmes qui inspirent vos modèles ?
Des femmes aux destins atypiques, des héroïnes, qui par leur Art et leurs choix ont osé laisser libre cours à leurs instincts, à leur fièvre créative. Toutes ces femmes qui ont fait notre histoire m’émeuvent. George Sand, Olympe de Gouges, Camille Claudel, Berthe Morisot, Virginia Woolf, Tamara de Lempicka, Suzanne Valladon…Il y en a tant dont j’aimerais raconter quelque chose à travers une silhouette.


Pourquoi avoir choisi de vous focaliser sur le XIXe siècle et le début du siècle suivant ?
Le XIXe est un démarrage. Je compte bien explorer d’autres époques. Le XXe est très riche, le XVIIIe aussi…J’ai commencé par le XIXe car c’est le moment où commence à apparaître une mode variée, changeante et très généreuse. Ensuite, le XIXe est un siècle mal connu, complexe, plein de soubresauts politiques et culturels. J’en aime passionnément la peinture. La seconde moitié voit naître l’art moderne, le nouveau portrait. Le dernier tiers de ce siècle établit la démocratie, modernise le pays et s’achève sur « la Belle Epoque». C’est un siècle éprouvant pour les femmes, elles y ont été beaucoup muselées et celles qui ont trouvé le courage de créer dans cette période sont d’autant plus héroïques.
Petite question qui fait suite à la précédente : quelles sont les différences majeures au niveau de la mode de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ?
La fin du XIXe connait encore des soubresauts de falbalas, volants, enchevêtrement de dentelles, rubans et taffetas. Le corset et les tournures sont encore là pour contraindre le corps et domestiquer la silhouette. La période que j’aime le moins est le milieu du siècle avec ses énormes cerceaux et des jupes encombrantes, des coiffures enfantines. Mais vers la fin du siècle, à la frontière du XXe, le corset est toujours là mais les jupes se simplifient. C’est la période que je préfère. Les silhouettes s’épurent de tous les volants et superpositions compliquées. Il reste un chemisier, souvent ajouré de dentelles et travaillé avec des plissés, des drapés parfois. La taille est marquée et la silhouette très élégante avec de longues jupes fluides qui tombent harmonieusement le long des jambes. Elles correspondent à la ligne Colette dans les collections.
Velours, dentelle, chintz… Que de beaux tissus que l’on retrouve sur vos vêtements ! D’où vous viennent-ils ?
Soucieuse de ne travailler que dans le respect de mon environnement immédiat, je pratique l’upcycling, ou « surcyclage ». J’achète des coupes de tissus, travaille avec des stocks de tapissiers qui utilisent beaucoup ces tissus nobles que l’on trouve de moins en moins dans la mode d’aujourd’hui. Parce qu’ils sont chers, plus difficiles à entretenir. Je m’approvisionne aussi dans des brocantes et chine des coupons anciens, notamment des dentelles ou des brocarts. Mais j’utilise aussi le satin de coton, la popeline. Notamment en été. Lorsqu’il est mélangé avec un peu de soie, le coton est satiné, plus souple.

Au-delà de ces choix esthétiques, la fabrication responsable est un engagement puissant. Je mets un point d’honneur à ce que chacun de mes gestes et de mes choix de fabrication ne gaspille pas de ressource, que chaque vêtement Bonâme soit fabriqué en France bien sûr, mais aussi le plus localement possible. Bien souvent dans mon propre atelier, ou celui d’un artisan façonnier parisien avec qui je travaille. Pour limiter la consommation d’énergie, pour faire travailler des producteurs locaux et pour redynamiser à mon échelle la filière textile française, historiquement experte et qui a perdu malheureusement beaucoup de ses savoir-faire ces 30 dernières années. En parlant des siècles passés et en les connectant avec notre présent, Bonâme veut aussi rappeler que nous détenons une culture unique du vêtement en France.
Quelles sont les différentes étapes pour la création d’une robe Bonâme ?
Je ne suis pas un process linéaire. parfois cela part d’un dessin et puis classiquement, je crée un patron et passe au prototypage. Mais bien souvent je pars d’une photographie, d’un tableau, d’une ambiance. Je repère un tissu et j’imagine une de mes héroïnes dans une robe, un corsage de cette couleur . Dans ces cas, je passe très vite à la toile ou directement au prototype si je suis très sûre de moi, sans passer par la phase dessin.

On a un énorme coup de cœur pour l’ensemble Colette inspiré d’une photographie où elle pose avec Willy, que vous avez présenté sur le site et sur votre compte Instagram. Combien de temps la création de cet ensemble vous a-t-elle pris ?
Celui-ci a été assez long. J’ai fait plusieurs essais en différentes couleurs, avec différentes étoffes, différents choix de col ou de manches. Différentes longueurs pour la jupe… Moi aussi je l’aime beaucoup. Il se mélange très facilement avec un look contemporain et c’est ce que je recherche par dessus tout. Mixer ces éléments de vestiaire empruntés au passé avec nos modes de vie contemporain. Retrouver nos racines culturelles et artistiques, porter sur nous l’héritage de ces femmes qui sont nos aînées et nos marraines en quelque sorte.

A l’occasion des Journées du patrimoine 2019, Bonâme a été invitée par la Fondation Dosnes-Thiers. Pourriez-vous nous partager cette expérience ?
Le lieu s’y prêtait particulièrement, très ancré dans le XIXe. La Fondation ouvrait ses portes lors des journées du patrimoine et m’a proposé d’organiser une exposition sur les métiers d’Art, sachant que j’anime un réseau d’artisans dans mon quartier dans le but de valoriser ces métiers. J’ai réuni plusieurs artisans liés à la création des belles choses et ai pu y présenter ma marque et plusieurs de mes modèles fétiches. Ce fut un moment très gai et vivant, et la confirmation pour moi que le beau vêtement fascine et attire particulièrement lorsqu’il est présenté dans son repère historique.
La période du confinement marqua un moment particulier dans la vie de tous. Alors que certains souffrent de cette situation, d’autres saisissent l’occasion pour prendre le temps de se recentrer sur l’essentiel et laisser libre cours à leur créativité. Qu’en est-il de Bonâme ?
Il y a eu deux moments dans ce confinement pour moi. Le premier propice à la création, au dessin, j’ai beaucoup cousu, essayé de nouvelles formes… Enfin, j’ai décidé de mettre mon atelier au service de l’écosystème local en fabricant des masques pour la mairie de mon arrondissement. Ils ont permis aux commerçants et entreprises locales de poursuivre leur activité pendant la période de confinement tout en utilisant mes chutes de tissu et mes couleurs d’héroïnes. Les masques ont plu et m’ont été beaucoup demandés. Ils sont désormais en vente sur mon site. Chassez le naturel…. : non seulement mes masques sont fabriqués dans les chutes de tissus de mes costumes mais ils ont des finitions couture, pour ne rien sacrifier au style!
Et pour tromper l’ennui durant le confinement, rien de tel que de lancer des jeux et concours ! On ne peut donc s’empêcher d’évoquer le défi créa que vous avez lancé pendant ces deux mois d’hibernation… Pourriez-vous nous en expliquer le principe ?
C’est vrai que j’avais envie de partager mes envies de création en organisant un concours sur certaines de mes héroïnes. J’ai reçu beaucoup de participations intéressantes et très variées. ça fait plaisir de voir une telle réaction. En cadeau, j’offrais une location gratuite au choix dans mon catalogue de costumes.
Situation Game :
Si une lectrice d’Un souffle d’histoires souhaitait se rendre à…
…Une soirée chic mais qu’elle n’avait rien dans sa garde-robe qui siérait à la situation, quelle tenue de Bonâme lui recommanderiez-vous ?
Je lui recommanderais la tenue Juliette carmin. Cette robe empire en viscose est très élégante et fait beaucoup d’effet. Pour une soirée vraiment gala ou tapis rouge elle peut se porter avec la chasuble en taffetas moiré superposée

.…Une réception classe mais décontractée en un bel après-midi de printemps, quelle serait la tenue Bonâme parfaite ?
je recommanderai un côté masculin féminin avec le chemisier et le gilet George sur une jupe droite noire ou sur un jean/pantalon ou la jupe Colette en plumetis noir avec le chemisier assorti

… Un premier rendez-vous galant dans un beau restaurant, quel ensemble de Bonâme la mettrait le plus en valeur ?
La veste Cléo en coton satiné noire ou celle en imprimé japonais à porter avec une jupe droite noire ou un pantalon

Des projets futurs pour Bonâme ?
Je continue mes créations avec des modèles printemps-été dans des étoffes plus légères et une garde-robe facile à porter aujourd’hui. Et puis je m’attaque au XXe, des années 20 aux années 40, il y a fort à faire. Pour refaire ensuite un grand saut dans le passé avec la Renaissance…Et puis d’autres projets d’expériences créatives autour de l’histoire du costume, avec des fondations et des musées… Le plus dur est de trouver le temps de tout faire!
Un grand merci Victoria pour nous avoir partagé votre passion et nous avoir fait découvrir l’âme de Bonâme !
Et si vous voulez en savoir plus sur l’univers de Bonâme, c’est par ici: https://www.boname.fr/