Ah, Séville…Cette ville espagnole qui offre soleil et chaleur à ses milliers de touristes annuels ; cette capitale andalouse qui comprend de fascinants et somptueux sites à visiter, à commencer par l’Alcazar. Disons l’Alhambra de Séville, comme j’aime l’appeler.
En visitant l’Alcazar de Séville, ce sont les traces de mille ans d’art et d’histoire juxtaposés que vous découvrez. Pas mal non ?
Aux origines de l’Al-Qasr Al-Mubarak (Palais des Bénédictions)
La conquête musulmane de l’Andalousie sera notre point de départ : Menée par le gouverneur des troupes Omeyyades, Tariq ibn Ziad, l’invasion arabe de la Péninsule Ibérique commence au début du VIIIe siècle.

Parvenus aux portes de Séville, les Musulmans voient la nécessité d’ériger un palais sur les rives du Guadalquivir pour protéger la ville et en faire la résidence royale ainsi que le siège de l’administration de l’empire Omeyyade. Protéger la ville est en effet une urgence, surtout si l’on prend en considération l’attaque des Vikings qui surviendra en 844 ! Et oui, même les peuples du Nord ont voulu s’emparer de l’Andalousie. Mais le palais de Séville a alors une importance secondaire, dans la mesure où l’émir Abd al-Rahman III se proclame califat en 929 et fait de Cordoue sa capitale. Cette dernière perd cependant son statut particulier lors de l’abolition du califat de Cordoue au XIe siècle. Séville devient alors le centre d’al-Andalus.
A la suite de la chute du califat de Cordoue, l’empire musulman en Occident est divisé. Se créent alors en 1031 des royaumes de Taïfas, c’est-à-dire de « factions », parmi lesquels figurent Séville. Puis, l’année 1147 voit arriver les Almohades venus du Maroc qui envahissent la Péninsule.
Séville est alors proclamée capitale de l’empire du calife Yûsuf Ier.
La lune et la croix
Au XIIIe siècle, la ville se trouve entre les mains de Ferdinand III de Castille depuis sa conquête en 1248. Le roi chrétien et son fils Alphonse X sont admiratifs devant la somptuosité du palais que les Musulmans laissèrent derrière eux. Ce qui ne les empêche pourtant pas d’en détruire une bonne partie et d’ériger, à sa place, une nouvelle résidence royale. C’est ainsi que le style gothique fait son apparition dans ce qu’il reste de l’ancien palais musulman.

Avec ses croisées d’ogives, le plafond de la salle des voûtes illustre la présence du style gothique au palais d’Alphonse X. Mais le reste de cette pièce sera rénové au XVIe siècle. Son plafond est, de fait, l’une des seules traces du style gothique à l’Alcazar .
Au siècle suivant, Séville ouvre ses portes au style mudéjar, grâce aux rois Alphonse XI et Pierre Ier qui s’inspirent grandement du style artistique de l’Alhambra de Grenade. Ce mouvement a pour singularité d’associer des éléments issus tant de la tradition chrétienne que de la tradition musulmane, créant un style unique et paradoxalement harmonieux. Le roi Pierre Ier, dont le surnom de Cruel lui est apparié en raison de la suppression de bon nombre de ses ennemis, est pourtant un roi bienveillant et tolérant envers les Juifs et Musulmans. L’on comprend donc cette appropriation du style architectural musulman qu’il insère dans la restauration de son palais où il passe presque toute son enfance.
Donnant sur la cour de la Chasse, la façade principale du palais de Pierre Ier, que vous voyez sur les deux visuels ci-dessous, est un bel exemple de l’art mudéjar réalisé sous le règne de ce roi.
En 1364, Pierre Ier fait appel aux meilleurs artisans et charpentiers d’Andalousie- à majorité Musulmans- pour réaliser son palais dans l’Alcazar. La belle cour des Demoiselles, conçue tout d’abord pour servir d’emplacement réservé aux loisirs, est notamment construite sous son règne. A la mort prématurée du monarque, la réalisation de cette cour n’est cependant pas encore achevée. L’utilisation de cette pièce est donc reconfigurée selon les besoins de l’époque et représente désormais l’axe central du palais. Un véritable bijou à ciel ouvert avec, en son centre, un jardin entouré d’une galerie comportant soixante arcs mudéjars!
Le niveau supérieur date, quant à lui, du XVIe siècle.
Vous avez vu comme elle est belle, cette somptueuse cour des Demoiselles! Vous pouvez la contempler entre la salle des Ambassadeurs et la pièce que l’on nomme la salle du Plafond de Charles Quint et qui était à l’origine une chapelle.
Magnifiquement réalisée, cette fameuse salle des Ambassadeurs est tout aussi impressionnante que la cour. Nul surprise qu’il s’agisse là de la salle du trône à l’époque de Pierre Ier qui servait à accueillir les réceptions officielles, symbolisant alors la magnificence du pouvoir royal. Ouverte sur ses quatre côtés et surmontée d’une coupole en bois de forme hémisphérique, la salle des Ambassadeurs est l’unique pièce du palais à être ouverte sur les deux étages.
C’est d’ailleurs dans cette pièce que sera célébrée, en 1526, l’union de Charles Quint et d’Isabelle de Portugal.
Quant à la coupole, également appelée demi-orange, elle est réalisée en 1427 par le maître charpentier Diego Ruiz. Oui, vous ne vous trompez pas, l’artiste a bien donné sa préférence à des formes géométriques afin de représenter la configuration de l’univers. Un véritable chef-d’oeuvre !
Voici ce qui peut être observé de l’autre côté de la salle : l’arc des Paons. Il s’agit d’un ensemble décoratif composé de trois arcs servant de lieu de passage entre la salle des Ambassadeurs et la salle du Plafond de Philippe II. Les détails naturalistes sont remarquables : nous pouvons voir sur ce mur des paons dorés, des cygnes, ainsi que des formes rappelant le monde végétal.
Nous retrouvons une fois de plus cette forme hémisphérique, si chère à l’art musulman.
Située dans le secteur privé du palais et exclusivement réservé au souverain et à sa famille, la cour des Poupées représente pareillement une très belle illustration du style mudéjar. Tous ces détails minutieusement réalisés témoignent de la délicatesse et du travail de précision dont ont su faire preuve les artistes de ce chantier.

L’Alcazar à la Renaissance
Marquant la fin de la présence musulmane en Espagne grâce à Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon ainsi que la découverte de l’Amérique, l’année 1492 et celles qui suivent sont capitales dans l’histoire de l’Alcazar. En effet, les Rois Catholiques choisissent le palais de Séville comme siège de la chambre de commerce créée en 1503 et qui sert à réglementer le commerce avec l’Amérique colonisée. La salle des Amiraux, aujourd’hui encore debout, représente la façade du siège de cette chambre.

Au XVIe siècle, Charles Ier devient empereur du Saint-Empire romain germanique sous le nom de Charles Quint. Sous son règne, Séville connait une grande prospérité, sa situation près du fleuve Guadalquivir faisant de cette ville le point d’entrée de l’or en provenance du continent américain. Cet or permet d’ailleurs la restauration d’inspiration italienne du palais royal qui comprend dorénavant un style Renaissance. Un style que poursuivra, un siècle plus tard, l’architecte milanais Vermondo Resta. Les plaines environnant le palais deviennent des jardins maniéristes où peuvent être observés un bon nombre de symboles parsemés ici et là et présentant des références mythologiques.
Sur les deux photos suivantes, vous pouvez découvrir le Jardin de l’Etang, réalisé entre le XVIe et XVIIe siècle à l’emplacement d’un ancien bassin et d’une muraille d’origine almohade. En son centre se trouve une sculpture du dieu romain Mercure, en bronze fondu. Réalisée par Diego de Pesquera et fondue par Bartolomé Morel, cette statue du dieu du commerce sert à illustrer la prospérité de Séville en tant que port. Derrière la sculpture peuvent également être admirées des fresques représentant des scènes de la mythologie.
Si vous vous enfoncez encore davantage dans le jardin, le pavillon de Charles Quint se dévoilera peu à peu derrière cette oasis foisonnante et verdoyante. Le pavillon est reconstruit entre 1543 et 1546, après avoir été un oratoire à l’époque musulmane.
Sa fonction première est désormais d’être un espace de repos pour l’empereur à la fin de son règne. Les quatre côtés de ce carré architectural sont ouverts afin de faciliter la circulation de l’air durant les journées à très haute température.
Le romantisme s’installe à l’Alcazar
Le romantisme du XIXe siècle, caractérisé par une recherche de l’orientalisme et un retour au Moyen Âge et à la Renaissance, fait son apparition à Séville. L’année 1832 initie donc des travaux de restauration de ce palais royal qui présente une sorte de résumé de l’histoire de l’Andalousie. C’est vous dire à quel point ce site est digne d’intérêt ! La porte de Marchena, provenant du palais des ducs d’Arcos à Marchena et achetée aux enchères en 1913 par Alphonse XIII, est installée à l’Alcazar. Ce qu’il lui trouvait d’intéressant ? Ses reliefs gothiques bien sûr ! Quoi de mieux que des représentations de l’art médiéval pour évoquer le passé d’un édifice ?
La suite ?
Toute bonne chose a une fin comme on dit, et l’Alcazar n’échappe pas à la règle puisqu’Isabelle II, reine d’Espagne de 1833 à 1868, cède le palais aux ducs de Montpensier qui en font leur résidence. Puis le gouvernement de la Seconde République espagnole cède à son tour le palais à la commune de Séville. Cela n’empêche cependant pas la famille royale d’utiliser, selon son bon plaisir, le premier étage de cette ancienne résidence de roi.
Représentant à l’origine une forteresse sensée protéger les rois musulmans de toute forme d’invasion, le palais de l’Alcazar est devenu une combinaison harmonieuse de différents styles artistiques, fruit d’une histoire riche et multiculturelle. Avec ses nombreuses constructions et reconstructions ainsi qu’avec sa position stratégique dans l’histoire de l’Andalousie, l’Alcazar s’impose comme l’un des sites à visiter absolument au sud de l’Espagne. Croyez-moi, c’est là un véritable trésor. Et puis l’article ne pouvant évoquer toutes les pièces et merveilles de ce palais, je vous invite à découvrir le reste par vous-même, vous ne serez pas déçus. Mais bon, comme la route est longue, je veux bien consentir à vous en dévoiler un peu plus 😉
C’est une véritable merveille dont tu nous donnes l’avant-goût le long de ton commentaire. Merci pour ouvrir ces fenêtres quasi-mythiques de l’histoire devant nous!
Merci pour ce commentaire très encourageant, je suis ravie que l’article vous ait plu !