Valentine Visconti : la fidèle épouse de Louis d’Orléans

Triste histoire que celle de Valentine Visconti, belle-sœur d’un roi fou et épouse d’un mari infidèle. Si triste et dramatique que la postérité retiendra de ce personnage sa fameuse devise : « Rien ne m’est plus ! Plus ne m’est rien ! ».

Valentine de Milan, , Dame de Coucy château de blérancourt, RMN
Valentine Visconti, Château de Blérancourt, ©RMN/ Grand-Palais

Comment ? Une si douce femme peut-elle connaître un si triste sort qu’elle choisisse une devise aussi morne et mélancolique que celle-ci ? C’est que Valentine Visconti connaîtra des heures sombres à la cour de France où elle sera catapultée par les ambitions de son père, Jean Galéas. Ce dernier fomente un coup d’Etat contre son oncle, Barnabé, alors duc de Milan. Une fois son parent évincé, Jean Galéas obtient le pouvoir sur la cité de Milan en mai 1385. Mais ses ambitions sont bien trop grandes pour se contenter de la ville milanaise. Tandis qu’il continue d’étendre son autorité sur les villes italiennes, il suggère au souverain de France, que Louis, frère du roi et duc de Touraine,  prenne sa fille pour épouse. C’est donc aux côtés de Louis de Touraine que commencera la vie en France de Valentine Visconti.

Née dans le château de Pavie en 1366/68, Valentine est une jeune femme intelligente, vive et passionnée, dont la beauté se distingue de celles des autres dames de la cour, blondes et de peau claire. L’ironie a voulu que seule l’Italienne et Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI et donc reine de France, aient un teint brun. Pas si étonnant que cela si l’on songe qu’un même sang coule dans leurs veines : la mère d’Isabeau, Taddea Visconti, se trouve être la cousine au deuxième degré de Valentine. Cette proximité familiale ne va pourtant pas l’aider à s’intégrer. Rappelez-vous, celui qui fut fait prisonnier par le père de Valentine pour prendre sa place n’est autre que le propre grand-père d’Isabeau. Valentine, alors restée très proche de son père, a donc de quoi s’attirer l’inimité de la reine de France et future belle-sœur. Mais avant de nous aventurer sur ce terrain-là, revenons à la beauté italienne, à la « volupté naturelle aux pays méridionaux (qui) avait régné jadis, à la cour des Visconti » comme dirait Stendhal. Eustache Deschamps, poète français contemporain de la Milanaise, dira de cette dernière qu’elle est « juene, frsesche, joly, de hault atour ». Sa beauté est donc louée par ses contemporains et non démentie par les historiens du XXe et XXIe siècles, bien que l’on n’ait pas réellement de preuves à l’appui, à l’exception de témoignages qui ne peuvent faire objet de certitudes.

Le mariage de Valentine et Louis

Nous l’avons dit, cette douce et jolie jeune femme est destinée à prendre pour époux Louis, duc de Touraine et futur duc d’Orléans.

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Miniature de la Cité des dames montrant Christine de Pisan offrant un livre à Louis d’Orléans, British Library, XVe siècle

Certains chroniqueurs contemporains et historiens décrivent flatteusement sa beauté ; selon Christine de Pisan, le duc de Touraine serait « beau de corps » et « gracieux en ses ébats ». L’historien Emile Collas le décrit comme étant de « taille moyenne, élancée et élégante ». Ainsi poursuit-il au paragraphe suivant : « Louis de Touraine a de l’entrain, de l’ardeur pour toutes choses, surtout pour le plaisir (…) et les exercices du corps lui sont familiers. (…) Il monte bien à cheval et danse non moins bien, deux talents qui le font estimer des dames. Il est pour elles infiniment aimable, adore leur compagnie, rit et plaisante agréablement avec elles. Peut-être déjà, au moment où il épouse Valentine, plus d’une s’est-elle laissé toucher le cœur par un jeune homme doué de tant de charmes et de séductions. » Vous l’aurez compris, nous avons affaire à un charmeur, un séducteur dans l’âme, qui aime les femmes d’un peu trop près. Les femmes, mais aussi les fêtes. Le prince sait en effet s’amuser et allumer le dance floor ! Le cas du bal des Ardents en est la parfaite illustration. Mais derrière ces frivolités et cette vie de débauche se dévoileront peu à peu des ambitions politiques à la hauteur d’un frère de roi.

Louis duc d'Oléans, RMN
Louis d’Orléans, Comte d’Angoulême, sire de Coucy, Château de Blérancourt, © RMN

En 1387, l’union entre Valentine et le duc de Touraine est conclue et célébrée par procuration le 8 avril à Pavie. Le comté d’Asti, 450 000 florins et l’assurance qu’en cas de mort sans héritier mâle, Jean Galéas lèguerait l’ensemble de son héritage à sa fille, constituent la dot de cette dernière. Mais les deux jeunes époux ne se rencontreront que deux ans plus tard, lorsque Valentine, accompagnée d’une suite impressionnante, fait son entrée en France. C’est ainsi qu’en 1389, Louis, alors âgé de dix-sept ans, découvre celle qu’on lui a choisie pour épouse à l’arrivée de cette dernière à Melun. Tous sont sous le charme. Imaginez un cortège extraordinaire entourant une belle Italienne à l’allure radieuse et aux manières charmantes. Le duc de Touraine est conquis. Tout excité à l’idée de découvrir celle qui portera ses enfants, il s’avance vers elle, et là… coup de foudre ! Les deux jeunes tourtereaux semblent s’accorder sur bien des points ; tous deux aiment faire la fête et ont en partage la passion des arts. En compagnie du couple royal avec qui ils semblent bien s’entendre, du moins en apparence, ils organisent fêtes et réjouissances à la cour. Bon il s’agit peut-être d’une version quelque peu romancée car, s’il semble porter une affection sincère à son épouse, cela n’empêche pas le duc d’Orléans de la tromper à maintes reprises. On raconte même que parmi ses amantes figurent la reine elle-même qui, dans le dos du roi fou, aurait copulé avec son beau-frère. En 1802, l’auteur français Pierre Caze va jusqu’à affirmer que Jeanne d’Arc serait en réalité le fruit de l’union de cette reine et de ce prince. Simple hypothèse que des médiévistes spécialistes de notre temps évincent rapidement. Ce dont nous sommes cependant certains, est que Louis a bel et bien officiellement un fils illégitime dont la mère n’est autre que Mariette d’Enghien, l’une de ses maîtresses : le futur compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, Jean d’Orléans, comte de Dunois. Valentine continue cependant d’aimer ce mari frivole qui la trompe effrontément. Et puis tromper son épouse n’empêche pas le duc de prendre soin d’elle ; lorsque, plus tard, Valentine devra s’exiler de la cour, il l’entretiendra dans un luxe et veillera à ce qu’elle ne manque de rien. Il lui rendra d’ailleurs souvent visite et la couvrira de cadeaux. Elle disposera ainsi d’une garde-robe garnie et d’un splendide mobilier.

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E.Delacroix, Louis d’Orléans montrant sa maîtresse, 1825-1826, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid

De leur union naîtront dix enfants dont six morts jeunes. Parmi les quatre qui grandissent auprès de leur mère se trouve Charles, le futur duc d’Orléans et père du futur roi Louis XII !

L’entrée en politique du couple orléanais

Le 5 août 1392, un sombre événement pour la France vient bouleverser l’échiquier politique…

Folie de Charles VI
Folie de Charles VI, miniature tirée des Chroniques d’Enguerran de Monstrelet, XVe

Le roi, en route vers la Bretagne, accompagné d’une escorte, est pris d’une crise de folie qui initie une nouvelle ère. Le roi est fou. Si fou que, se prenant pour du verre, il interdit quiconque de s’approcher de lui de peur qu’il se brise. Fort heureusement, ces moments sont passagers et, lorsque la folie le quitte, le roi connait des moments de lucidité et de pleine conscience. Fragile, le roi rejette sa femme et peine à reconnaître les personnes qui l’entourent. Seule Valentine, sa « chère sœur » comme il aime l’appeler, semble bénéficier de sa constante affection. Elle lui apporte réconfort et semble pareillement l’apprécier sincèrement. L’Italienne est si proche du roi que l’on en vient à la calomnier des pires maux dont une femme pourrait souffrir : la duchesse d’Orléans serait une sorcière. En effet, une rumeur rapporte que sa proximité avec Charles VI et la folie de ce dernier s’expliquent par un sortilège qu’elle lui aurait lancé. Encouragée par son époux Philippe le Hardi, la duchesse de Bourgogne entretient ces rumeurs et les amplifie certainement, de même que la reine qui n’oublie pas que Valentine est la fille de celui qui emprisonna son grand père Barnabé pour prendre sa place. Et puis, être rejetée par son époux, bien qu’elle ne l’apprécia point davantage, au profit de sa belle-sœur n’a pas l’air de beaucoup lui plaire… Isabeau a donc toutes les raisons de haïr la duchesse d’Orléans. Et les choses pour cette dernière vont en s’aggravant : on raconte également, à la cour comme à la taverne, que la belle-sœur du roi aurait été surprise tendant une pomme empoisonnée au dauphin de France. Tout est ainsi mis en œuvre pour éloigner du cercle intime de Charles VI cette femme qui partage les ambitions de son époux, contraires à celles des oncles du roi. En effet, il faut avoir en tête qu’en France à cette époque, l’heure est grave : alors que nous sommes en pleine Guerre de Cent ans, le royaume ne peut être gouverné correctement lors des crises de Charles VI puisque ce dernier perd toute conscience. Profitant de la maladie du souverain, ses trois oncles, les duc d’Anjou, de Berry et de Bourgogne, s’approchent dangereusement du pouvoir. Seulement, Louis qui, contrairement à son frère, avait échappé à leur tutelle à la mort de leur père Charles V, est un esprit indépendant qu’il est difficile d’influencer. Pire encore, derrière ce masque d’homme fêtard se cache un homme aux ambitions toutes aussi grandes que les leurs. Y-a-t-il de plus grand rival qu’un frère de roi dont l’épouse a toute l’attention du souverain ? Le roi Charles éprouve en outre pour son frère une grande affection, bien que ce dernier, froid et distant, ne partage pas ces sentiments. Nous pourrions d’ailleurs supposer que l’amitié de Valentine et du roi ait pu être cimentée par l’amour pour Louis qu’ils ont en commun, et par la souffrance que cet amour, unilatéral dans les deux cas, engendre. Valentine connait les infidélités de son époux, et Charles les ambitions politiques de son frère. Jusqu’à tard, le roi va être favorable aux demandes de son frère et à l’accroissement de son pouvoir.

Les temps s’annoncent cependant rudes pour le couple orléanais. L’heure est venue pour celle que l’on nomme « l’empoisonneuse italienne » de quitter la cour afin d’échapper aux rumeurs diffamatoires qui circulent contre elle. Louis envoie donc sa femme à Neufchâtel-sur-Loire en avril 1396. Bien qu’il ait décidé de rester à la cour pour continuer à défendre ses droits auprès du roi, Louis reste, malgré ses infidélités, un époux attentionné, et couvre son épouse de cadeaux qu’il lui fait parvenir régulièrement. Le duc fait effectivement en sorte que Valentine continue d’accéder à un train de vie luxueux, bien qu’éloignée de Paris. De son côté, il persévère dans sa lutte contre la Bourgogne.  En 1404, le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, décède. Mais son fils, celui que l’on surnommera Jean sans Peur, se révélera être un ennemi des plus redoutables…

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A. Laemlein, Jean sans Peur, duc de Bourgogne en 1404, 1844, Château de Versailles, ©RMN-Grand-Palais

Nous sommes le 23 novembre 1407. Le duc d’Orléans se rend à l’hôtel Barbette pour y prendre des nouvelles de la reine qui vient de perdre son douzième nouveau-né. Alors qu’il s’entretient avec sa belle-sœur, il reçoit, vers huit heures, un écuyer qui l’informe que le roi l’attend sur le champ. Sans perdre de temps, le duc quitte l’hôtel et se met en route pour rencontrer son frère, accompagné d’une dizaine d’hommes à cheval et à pied. C’est alors qu’en chemin, alors que la nuit avait déjà enveloppé le royaume de son inquiétant et sombre manteau, le frère du roi est attaqué par un groupe d’hommes chargés par le duc de Bourgogne de l’assassiner. C’est chose faite ; succombant à ses blessures, Louis d’Orléans perd aussitôt la vie.

Assassinat du duc Louis d'Orléans. Enluminure du Maître de la Chronique d'Angleterre, vers 1470 -1480, Paris, BnF.jpg
Assassinat de Louis d’Orléans, Enluminure du Maître de la Chronique d’Angleterre, vers 1470-1480, ©BNF

Pour Valentine, c’est le drame : à l’annonce de la mort de son époux, sa douleur est telle que, selon les écrits du Religieux de Saint-Denis, elle s’arrache les cheveux et déchire ses vêtements. Son visage, inondé de larmes, montre à ses enfants une femme désespérée, sanglotant et criant pour l’homme qu’elle a toujours aimé. Une fois ses esprits repris, elle décide d’envoyer ses deux fils aînés à Blois pour les protéger d’une potentielle attaque. Puis, Valentine se rend à Paris pour demander justice auprès du roi. C’est le moment pour la duchesse d’Orléans de refaire son entrée dans la politique, et de défendre l’honneur de celui qui, pourtant, bafoua si souvent le sien. Plus grande fidélité que cela n’existe pas !

Le cri de vengeance d’une épouse demeurée fidèle

Après avoir préparé son deuil quinze jours durant, la duchesse d’Orléans quitte le Château-Thierry avec son dernier-né et sa belle-fille, Isabelle de France, et se rend à Paris afin d’exiger réparation. Son arrivée dans la capitale est impressionnante : ses compagnons et elle-même sont tout de noirs vêtus, ainsi que les chariots et les chevaux que l’on a pareillement recouverts de draps noirs. C’est donc un sombre cortège que l’on aperçoit dans les rues parisiennes le 10 décembre.

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Alexandre-Marie Colin, Valentine de Milan implore la justice du roi Charles VI pour l’assassinat du duc d’Orléans en 1407, 1836, Palais du Luxembourg

Valentine se précipite auprès du roi et, d’une manière très théâtralisée, se jette à ses pieds. La malheureuse lui demande avant tout la garde de ses enfants. Puis, le 21 décembre a lieu une seconde entrevue. Mais cette fois Valentine compte bien sur un avocat pour faire entendre sa requête. Le châtiment des coupables, dont nul n’ignore l’identité, est fermement exigé. Mais l’Italienne n’obtient du roi qu’une profonde sympathie et la parole que justice serait faite dès que possible.  Elle prépare alors à Blois des stratégies pour en finir avec ce rival qui alla trop loin en lui arrachant son homme. Ainsi s’installe-t-elle au château, fait réparer les murs et réunit de nombreux hommes d’armes, comme pour se défendre d’un adversaire prêt à attaquer. Elle renoue les alliances qui avaient été créées au temps de son mari et rallie donc le duc de Bretagne à sa cause. Valentine est brave et puise dans sa douleur pour trouver motivation : seul le châtiment du duc de Bourgogne pourrait apaiser son affliction. Que justice soit faite, il ne lui reste plus que cela pour que la mémoire du père de ses enfants soit honorée. Pendant ce temps, Jean sans Peur revient en force en janvier 1408 pour plaider sa cause. C’est donc à Saint-Pol qu’on le trouve le 8 mars, défendu par le docteur en théologie, Jean Petit. Celui-ci explique, avec une éloquence remarquée, que le meurtre dont s’est rendu coupable le duc de Bourgogne est en fait un acte de bravoure qui doit être salué car le duc d’Orléans n’était rien d’autre qu’un tyran. Oui, c’est assez culotté. Quelques mois plus tard, Valentine riposte en se rendant à nouveau à Paris, le 29 août. Et c’est le 11 septembre que l’abbé de Cerisi prononce, devant la reine, le dauphin et les princes de sang, un discours de réhabilitation des plus émouvants. Enfin, les requêtes de la duchesse sont annoncées : une rançon d’un million d’écus d’or et l’exil du duc de Bourgogne sont exigés. Si celui-ci ne se résout point à l’exil, la prison est de mise. Lourdes punitions pour un duc mais ce n’est que justice pour l’assassin du frère du roi. Le suspens est à son comble ; qui du si terrifiant duc ou de la courageuse et téméraire duchesse remportera le combat ?

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Enluminure représentant la guerre des Bourguignons et des Armagnacs ; Le loup désigne le duc d’Orléans et le lion Jean de Bourgogne. Enluminure d’inspiration bourguignonne, XVe, Vienne, Bibliothèque nationale d’Autriche

Deux camps s’étaient déjà finement dessinés en France ; la Bourgogne d’une part, et les Armagnacs, partisans de l’ancien duc d’Orléans, d’autre part. La réponse du conseil est favorable à ces derniers : il a été décidé que justice devait être faite et que les requêtes de la duchesse seraient examinées de près. Soulagée, Valentine retrouve Blois et attend impatiemment le châtiment de son ennemi que l’on lui promit. Cependant, revenu des Flandres où il lutta contre une révolte des Liégeois, le duc de Bourgogne est en route pour Paris, plus dangereux que jamais. Toute démarche allant contre le prince de Bourgogne est ainsi avortée. Pris de panique, la reine et les princes désertent en effet la capitale et s’enfuient. Tout est perdu… Valentine, que le destin avait privée d’époux, se voit également démunie de tout soutien de la part du gouvernement. Rongée par le chagrin et le désespoir, la malheureuse, enfermée à Blois, tombe malade. Ainsi Juvénal des Ursins décrit-il son état en disant que c’est « grand pitié d’ouyr avant sa mort ses regrets et ses complaines ». C’est dans ces conditions qu’elle aurait prononcé la devise que lui attribuera le XVIème siècle: « Rien ne m’est plus ! Plus ne m’est rien ! ».

Philippe Coupin de la Couperie, Valentine de Milan au tombeau de son époux, 1822, musée de Blois.jpg
Philippe Coupin de la Couperie, Valentine de Milan tombeau de son époux, 1822, Musée de Blois

Valentine Visconti décède le 4 décembre 1408 et son corps est déposé dans l’église des Cordeliers de Blois, avant de rejoindre Louis aux Célestins de Paris vers 1446. Si justice ne peut être rendue sur terre, du moins peut-elle être rendue au ciel ?

Sources :

Religieux de Saint-Denis, Chronique de Charles VI, t. III.

Bertrand Chavelot, Isabeau de Bavière, Rencontre Lausanne, 1965, p179.

Emile Collas, Valentine de Milan : Duchesse d’Orléans, Paris, 1911.

Alfred Coville, Les premiers Valois et la Guerre de Cent ans (1328-1422), Nouveau Monde, 2013, p449.

Bernard Guenée, La folie de Charles VI, Perrin, 2004, p317.

Pierre Gascar, Charles VI : le Bal des Ardents, Gallimard, 1977, p280.


P.S : Si Louis d’Orléans est décrit comme un beau et galant homme par certains, il est également vivement critiqué par d’autres. Ainsi bénéficie-t-il pareillement d’une piètre réputation à la cour, ainsi qu’auprès du peuple et de l’Université de Paris. Les raisons sont multiples : son comportement dépravé irrite la cour et son soutien accordé au pape d’Avignon, Benoit XIII, dans sa lutte contre le pape de Rome, Clément VII, contrarie l’Université. En ce qui concerne le peuple, ce dernier déprécie fortement cet homme qui demande la levée d’impôts exorbitants et vide le trésor royal pour ses jeux et fêtes. Il est donc aisé pour le duc de Bourgogne de se présenter comme un héros délivrant le peuple d’un tyran.

P.S 2: Nous n’avons aucune preuve que Valentine ait réellement adopté une telle devise. L’attribution de cette dernière à la duchesse d’Orléans date du XVIe siècle. Mais cela proviendrait sans nul doute d’une confusion entre Valentine, première duchesse d’Orléans et Marie de Clèves, la troisième duchesse d’Orléans qui adopte effectivement cette devise.

2 commentaires sur « Valentine Visconti : la fidèle épouse de Louis d’Orléans »

  1. Il est pour le moins abusif de reprocher à Louis d’Orléans des mœurs « dissipées » que l’on « pardonne » si aisément à Henri IV (sa réputation de paillard, franchissant les siècles, est même demeurée … « populaire » !), Louis XIV ou Louis XV !!! Ce d’autant plus que Louis, du fait des intrigues et calomnies répandues – DEJA ! – par la propagande bourguignonne (Philippe le Hardi – son premier rival en politique – et son épouse, l’imbuvable Marguerite de Flandre – rivale en préséance de Valentine ! -), s’est vu contraint de se distancier de son épouse dès 1396 …

    De cette allégation concernant les mœurs du duc d’Orléans, rappelons les propos – que l’on aimerait voir DEFINITIFS ! – d’Eugène Jarry dans son essai (méconnu) « La vie politique de Louis de France, duc d’Orléans » (1889) :

    « Il ne semble convenable à l’Histoire d’en parler qu’autant que les désordres peuvent influer sur la vie politique. Deux cas peuvent se présenter : un affaiblissement de l’intelligence par les débauches de tout genre, ou l’ingérence d’une favorite dans le gouvernement;
    Malgré certaine ballade d’Eustache Des Champs, rien ne permet d’accuser le duc d’Orléans d’avoir oublié dans les désordres sa dignité de prince du sang. Le Religieux de Saint-Denis, qui n’est point suspect, se montre très net à cet égard.
    En ce qui concerne le second cas, il est également inapplicable au frère de Charles VI. Sa liaison avec la dame de Cany ne nous est connue que par la naissance de Dunois ; aucun mandement, aucune quittance, aucun compte n’offre de nom. Il semblerait que les relations du duc avec elle ne furent que passagères et secrètes, et n’eurent aucune influence sur les affaires publiques. Il en serait autrement de la prétendue liaison du duc et d’Isabeau de Bavière, si elle avait jamais existé. Comme une foule de traits historiques semblables, cette liaison, dont ne parle, même à mots couverts, aucun contemporain, pas même Pierre Cochon (*), a pris naissance dans l’imagination de Brantôme ; il ose bien flétrir la mémoire de Valentine Visconti, en lui attribuant des relations coupables avec Charles VI ! »
    (*) pamphlétaire bourguignon … à ne pas confondre avec l’évêque Pierre Cauchon !

    Il serait nécessaire et même urgent de réhabiliter AUSSI la mémoire de Louis d’Orléans, s’agissant de son action politique … Par delà Eugène Jarry, Jacques Bainville est TRES CLAIR :

    « Que Louis d’Orléans, dans ce conseil de princes, ait représenté l’Intérêt de la France et la tradition nationale il n’en faut pas douter. « On ne peut nier, dit Michelet, que le parti d’Orléans ne fût le seul qui agît pour la France et contre l’Anglais, qui sentît qu’on devait profiter de l’agitation de ce pays, qui tentât des expéditions. » Louis d’Orléans eut contre lui l’Université, à cause de l’affaire du ape, les contribuables, parce que, pour continuer Charles le Sage, il fallait lever des impôts, enfin le duc de Bourgogne, parce que ce prince, par ses possessions de Flandre et des Pays-Bas, se troyvait engagé dans un système qui n’était plus français. Ce nouveau duc, Jean Sans Peur, cousin germain du roi et du duc d’Orléans, n’était déjà plus des nôtres, il était nationalisé Flamand. Sous les apparences d’un Français, il y avait un étranger au conseil de régence. Il était désigné pour rallier les mécontents. »

    S’agissant de la Flandre et du duc de Bourgogne, comte de Flandre, Jacques Bainville est catégorique :

    « Loin d’assimiler la Flandre, la Bourgogne fut aspirée par elle. Cette Flandre, elle était plus que réfractaire : elle conquérait qui croyait l’avoir conquise. Ainsi la maison de Bourgogne, par ses possessions flamandes, s’écartera de plus en plus de la France. Elle en deviendra une des pires ennemies avec Jean Sans Peur et le Téméraire. »

    Il est plus que regrettable que tant et tant d’historiens français ne reconnaissent pas que l’action de Louis d’Orléans contre la Bourgogne (en Champagne, dans le Luxembourg et le long du Rhin) annonce de manière frappante celle de Louis XI … C’était à ce moment qu’il fallait empêcher la Bourgogne de se développer … L’assassinat de Louis d’Orléans marquera, pour plus d’un demi siècle, un coup d’arrêt à cette politique visionnaire … Quant Louis XI la reprendra, il sera alors TROP TARD … Et l’on ne mesure pas assez qu’à la mort de Charles le Téméraire, cette politique anti française passera par le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien de Habsbourg, futur empereur germanique, dans une dimension européenne … générant TROIS siècles de guerres entre la France et l’Empire germanique … C’est tellement vrai que Louis XV, visitant la nécropole des ducs de Bourgogne, pourra déclarer : « Voilà l’origine de toutes nos guerres » …

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