Vous êtes-vous déjà demandé que diable font des girafes sur une dizaine de fresques florentines datant de la Renaissance ? Intriguée par cet animal dont la présence sur le sol européen à cette époque est surprenante, j’ai demandé à l’un de mes professeurs, lorsque j’étudiais dans cette ville, quelle était donc la raison cachée de cette trouvaille exotique. La réponse fut tout aussi intéressante qu’amusante. Et qui dit anecdote croustillante, dit article sur Un souffle d’histoires! Partons donc à la découverte de la Girafe Médicis…

En 1487, le sultan d’Egypte, al-Ashraf Qaitbay, offre à Lorenzo de Médicis une girafe, communément appelée depuis « La girafe Médicis », afin de solidifier leurs rapports diplomatiques. Un cadeau bien singulier me direz-vous. Ce n’est certainement pas uniquement pour la surprenante grandeur de cet animal qu’il choisit ce présent, bien que l’on pourrait tout à fait penser qu’il s’agisse là d’un rappel de la magnificence du pouvoir Médicis. En réalité, la girafe est un animal symbolique lié à Jules César ; à la suite de sa victoire à la bataille de Thapsus en Tunisie, le 6 avril 46 av J.-C., le général romain ramena avec lui à Rome la première girafe que connut l’Europe. Et comme toujours et pour tout, la Renaissance s’inspire de l’Antiquité. La girafe apparait donc comme un présent à la hauteur de son nouveau propriétaire!
La rencontre des Florentins avec cet animal est racontée par William Roscoe dans son livre sur Laurent de Médicis, traduit en français en 1800 :
Il vint à Florence un ambassadeur de ce prince, apportant à Laurent des présents magnifiques d’objets précieux et d’animaux rares, entre autres une girafe qui excita singulièrement la curiosité du peuple.
Dans un manuscrit conservé à la bibliothèque Magliabecchiana de Florence, Tribaldo di Amerigo de Rossi nous raconte la vie de cette girafe dans son nouvel habitat. Cet animal, dont les pieds « étaient pareils à ceux du bœuf » d’après lui, suscitait la curiosité du peuple, qui aimait monter sur son dos et faire le tour des campagnes.
Concernant son alimentation, elle n’avait pas de régime strict : elle mangeait en effet « toute espèce de chose, et elle prenait tout ce qu’elle pouvait attraper dans les paniers où les paysans portaient des provisions ». Sacrée girafe !
Il affirme également que la girafe avait pour résidence les écuries du pape. Beaucoup de fumier était utilisé pour tenir à l’abris du froid cet animal, loin d’être habitué aux températures basses. On allait même jusqu’à allumer des feux pour la garder au chaud. Hélas, ce n’était pas suffisant. La girafe Médicis décède le 2 janvier 1488, en raison des conditions climatiques qui n’étaient évidemment pas adaptées à ce mammifère. Tout le monde était peiné par la mort de la girafe, qui avait séduit le peuple florentin par sa douceur et sa beauté.
(Bonne chance pour la trouver dans l’oeuvre ci-dessous)

Laurent le Magnifique n’est cependant pas le seul à avoir reçu un tel cadeau diplomatique. Au XIIIe siècle, la présence d’une girafe est en effet attestée à la cour de Frédéric II, roi de Prusse et empereur du Saint Empire romain germanique, ainsi qu’à la cour de son fils, Manfred, en 1262. Le roi d’Espagne, Alphonse le Sage, en possède une également en 1262. En France, c’est le roi Charles X qui reçoit une girafe en 1827 en guise de cadeau d’Ismaïl-Pacha.


Si le mot italien “giraffa” date du XIIIe siècle- coïncidant certainement avec l’arrivée de cet animal à la cour de Frédéric II-, les premières représentations artistiques de la girafe sont bien antérieures à la Renaissance et au Moyen Âge. Elles datent en effet de l’Antiquité. Comme nous l’avons dit plus haut, l’Antiquité romaine connaissait cet animal grâce à César qui avait ramené la première girafe sur le sol européen. Les Romains appelaient d’ailleurs cet animal un “caméléopard”, à cause de sa ressemblance avec le chameau, au niveau de sa taille et de ses formes, et des similitudes de sa peau avec celle d’un léopard. Quant aux Egyptiens, qui utilisaient sa peau pour construire des objets, ils jugeaient la noble et grande girafe digne de rejoindre les ménageries royales.
La girafe, bien que parfois louée pour sa douceur et sa grandeur, représente ainsi la puissance et la majestuosité depuis l’Antiquité.


Sources:
Alexandre Auguste P. Charles Blanc, Gazette des beaux-arts, courrier européen de l’art et de la curiosité, 1877.
Michel MÖRING, Le Livre des Animaux utiles, remarquables, et célèbres, 1856.
Pierre-Louis Gatier, “Les Girafes de l’empereur“, Topoi. Orient-Occident, 1996.
William Roscoe, Vie de Laurent de Médicis: surnommé le Magnifique, traduit par François Thurot en français.