
Elle est belle, n’est-ce pas, notre chère Marilyn Monroe, qui affiche son plus beau sourire entourée de citrouilles ? C’est qu’au XXe siècle, la tradition d’Halloween est très répandue Outre-Atlantique. Mais c’est surtout dans les années 1990 que cette fête connaît son plus grand succès. En effet, le lancement en 1997 du téléphone orange “Olaween” par France Télécom (aujourd’hui appelé Orange) engendre l’organisation de grandes compagnes publicitaires et d’événements, notamment à Disneyland Paris, qui vont donner à la célébration des morts une véritable visibilité. C’est ensuite au tour de Coca-Cola, de Haribo, de M&M’s, et de bien d’autres marques, de profiter de cette fêtes pour lancer leurs produits dans la période creuse précédent Noël.

Si cette fête est encore fortement célébrée aujourd’hui, elle ne date pourtant pas d’hier. En effet, la fête d’Halloween prend ses racines dans la tradition celte qui, pour atténuer l’arrivée angoissante de l’hiver, créa un rite de célébration de la fin de l’été. Comme la plupart des fêtes païennes, celle-ci fut par la suite récupérée par la tradition chrétienne, le terme même d’Halloween provenant de All Hallow’s Eve (signifiant la «veille de tous les saints »).
Cette célébration des défunts vit réellement le jour chez les Irlandais, selon lesquels les morts ont le droit de revenir à la vie la veille de la Toussaint. Ce n’est pas pour mettre à sac la ville ou hanter les maisons, mais pour rendre visite à leurs proches (c’en est presque touchant). Il faut dire cependant que croiser un mort dans la rue ne doit pas être une expérience très agréable. Alors, les Irlandais avaient coutume d’éviter de sortir la nuit et de bien rester chez eux, à l’abri et au chaud. Toutefois, pour ne pas vexer les revenants, les Irlandais laissaient leurs portes entrouvertes, de sorte à inviter les défunts à entrer sans pour autant avoir à les croiser dehors (malin). De nature très généreuse, ils allèrent même encore plus loin en disposant sur la table de la nourriture dont les morts pourraient se servir à leur gré et en prenant soin d’entretenir un feu pour les réchauffer.
Également de tradition gaélique, l’Ecosse adopta rapidement un rituel d’accueil des morts. Ce pays étant cependant à majorité protestante, le retour à la vie de personnes décédées était difficilement concevable pour ses habitants. Alors, les Ecossais inventèrent à leur tour un rituel : ils personnifiaient les esprits des morts en se dissimulant sous un masque, un voile ou une couche de suie, revêtus de longues robes blanches ou de grotesques habits confectionnés avec de la paille, évoquant ainsi symboliquement la présence des défunts. Par la suite, les enfants poussèrent encore plus loin cette tradition en symbolisant l’esprit des morts par le feu d’une lanterne creusée dans un navet ou une betterave. Mais cela n’est pas tout de représenter l’esprit vivant des morts. Il faut aussi leur offrir des offrandes : pour cela, les enfants savent se montrer créatifs ! En effet, ils avaient coutume de faire la chasse aux friandises pour rassasier les esprits. Il faudra cependant attendre les années 1930 pour que les Américains inventent la coutume du Trick or treat, que l’on connait en France sous l’expression « un bonbon ou un sort ».

©The British Museum, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / The Trustees of the British Museum
L’émigration massive des Irlandais vers le Nouveau Continent, à cause d’une maladie frappant la pomme de terre causant une énorme famine en 1849, et celle des Ecossais qui se sont établis dans la région d’Acadie (actuelle région nord-américaine), propagea la tradition d’Halloween de l’autre côté de l’Atlantique, où apparait la légende du fameux Jack O’Lantern. Celui-ci est représenté par une citrouille sculptée en forme de tête de mort, avec une bougie allumée à l’intérieur pour personnifier l’âme d’un mort. Attention, il ne s’agit pas de n’importe quel mort : Jack Stingy, de son vrai nom, serait en fait un Irlandais qui, d’après la légende, aurait été un vieil ivrogne qui occupait la majeure partie de son temps à boire et à jouer des farces.
N’ayant été reçu ni au Paradis, ni en Enfer, il fut condamné à errer pour l’éternité, avec une lanterne creusée dans une betterave. Jack Stingy devint alors Jack of the Lantern. Avec le temps, son nom est contracté en Jack O’Lantern.

Par ailleurs, il faut savoir que les courges, propagées dans le monde entier par les Portugais, ont une place importante dans l’imaginaire amérindien. Comme le souligne Jean Vitaux dans l’ouvrage Les dessous des plats, Chroniques gourmandes :
“Il existe de nombreuses poteries mayas au Mexique, mohica et chimu au Pérou, qui représentent des courges et des potirons. Leur symbolique paraît liée aux cultes de la fécondité et aux cérémonies funéraires. En Europe, comme le potiron est arrivé au xvie siècle, il a peu marqué les mythes. La seule exception est la citrouille transformée en carrosse par la bonne fée, dans le conte de Charles Perrault, Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre, paru en 1697.”
Mais pour quelle raison la citrouille va être favorisée au détriment des autres courges ? La raison est en fait toute simple : la citrouille est un légume facile à sculpter, comparé à d’autres cucurbitacées (coucou le navet). C’est donc naturellement que la citrouille, et sa couleur, devinrent les symboles d’Halloween.
La tradition d’Halloween et de sa citrouille provient donc d’un modèle américano-celtique. Née en Irlande, elle se propage aux quatre coins du monde au fil du temps, jusqu’à devenir une fête extrêmement populaire au XXe grâce à l’intervention des entreprises. Il faudra cependant attendre le début des années 1990 pour que se développe réellement la fête des morts en France.

Octobre 1991,
© Long Island. Archives Alinari, Florence, Dist. RMN-Grand Palais / Maria Orioli
Bonne fête d’Halloween à tous !
Sources :
Jacqueline Lalouette, « Les fêtes chrétiennes », Jours de fête. Fêtes légales et jours fériés dans la France contemporaine, « Hors collection », Paris, Tallandier, 2010, p. 75-124.
Jean Vitaux, “Le potiron, de l’Amérique précolombienne à Halloween”, Le dessous des plats, 2013, pp. 43-45.
Jean Markale, Halloween, histoire et traditions, Imago 2000.
Jean-Marie Polese, La culture des courges, Editions Artémis , 2006.
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