Les Vikings : des navigateurs d’exception

Si nous ne pouvons aujourd’hui saisir dans sa globalité le peuple Viking, nous pouvons tout de même affirmer que leur force combative et extraordinaire, au sens pur du terme, leur accorda une réputation des plus terrifiantes.

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Anonyme, Le débarquement des barbares, vers 1850, Château de Nemours, ©RMN-Grand Palais / René-Gabriel Ojé

Il faut dire aussi que les récits relatés par les intellectuels britanniques, effrayés par l’arrivée des Vikings décrite comme la fin du monde, ont quelque peu participé à la confection de cette renommée. A titre d’exemple, nous pourrions citer la Chronique Anglo-Saxonne[1] qui évoque métaphoriquement la venue des Vikings et le sac du monastère anglais de Lindsfarne en 793 : « Cette année-là, de terribles présages apparurent partout en Northumbrie et effrayèrent le peuple au plus haut point : il s’agissait d’immenses tornades et éclairs, et on vit des dragons de feu voler dans les airs. Une grande famine suivit immédiatement ces signes ; et, peu après, au cours de la même année, le 8 juin, les misérables dévastations des païens, pillant et massacrant, détruisirent l’église de Dieu à Lindisfarne. ». Je me permets également de citer les paroles de Siméon de Durham que je trouve aussi poétiques que parlantes, comparant les « païens venus du Nord » avec des « frelons munis de leur dard »…

Un premier raid maritime avait été entrepris en 520 par un roitelet danois vers le Rhin inférieur (rivière néerlandaise). Cependant, les raids vikings ne deviennent récurrents qu’à partir de la fin du VIIIème siècle. Les expéditions maritimes les ont menés aux archipels écossais (bien qu’aucune source écrite n’en fasse mention) mais aussi et surtout au nord de l’Angleterre en 793 dont ils se sont d’ailleurs emparés, sans faire fi de l’Irlande deux ans plus tard. Seul le royaume de Wessex, au sud de l’Angleterre, parvint à échapper à l’emprise des Vikings grâce au roi Alfred dit « Le Grand ».

Jean Victor Schnetz, Le comte Eudes défend Paris ocntre les Normands en 886, RMN
Jean Victor Schnetz, Le comte Eudes défend Paris contre les Normands en 886, XIXe, ©RMN-Grand Palais (Château de Versailles)

La France actuelle, à commencer par Nantes en 842, reçut également la visite des Vikings dont le chef, Rollon, deviendra maître de la Normandie en 911. Des villes comme Orléans, Paris, Limoges et Angoulême ont tout autant souffert. J.M Roberts souligne, dans son ouvrage The Penguin history of Europe, l’importance de la visite du peuple du Nord dans la séparation de la future Allemagne et la future France puisque la partie ouest du royaume des Francs souffrit bien plus que sa partie est. En outre, l’Espagne, pourtant bien protégée par la distance qui la sépare au premier abord des Vikings, n’a pas non plus été épargnée. C’est ainsi que Séville fut attaquée en 844.  Comme si la liste ne fut pas assez longue, la Toscane reçut elle aussi la visite de ce peuple du Nord en 859 (bien que les assaillants aient subi une lutte contre une flotte arabe sur leur chemin de retour qui les affaiblirent grandement). La Sicile peut pareillement être citée. Nous pourrions enfin évoquer la Russie et  Constantinople qui souffrirent également  de nombreuses attaques Vikings.

Quoi qu’il en soit, leur curiosité pour les contrées lointaines fut telle qu’ils furent les premiers à découvrir l’Amérique du Nord (découverte que l’on oublie d’ailleurs trop souvent, accordant à Christophe Colomb tout leur mérite). Vous admettrez alors aisément qu’il est impressionnant qu’un peuple, qui vécut au Moyen-Age, ait pu mener de telles expéditions, jusqu’à atteindre le coin ouest du globe. La question d’aujourd’hui est donc de savoir quels ont été les outils indispensables à la réalisation de tels raids ? La réponse est naturellement et incontestablement les légendaires drakkars…

Les montagnes élevées, la densité des forêts et la profondeur de la neige sur leur terre qui, rappelons-le, comprenait l’actuel Danemark mais aussi la Finlande, la Suède et la Norvège, rendaient leurs déplacements difficiles. S’ils désiraient contourner ces obstacles naturels, ils devaient faire face aux nombreux lacs et rivières que couvraient leur territoire grâce aux bateaux de pêche et aux pirogues dont ils disposaient. Cependant, pouvaient-ils réellement utiliser ces petits transbordeurs lorsqu’il s’agissait d’accoster sur ce qui était pour eux le nouveau monde ? Il serait en effet difficile, voire absurde, d’imaginer lesdrakkar .jpg moines britanniques effrayés par de tels hommes sur de si petites barques…  Par chance, les Vikings étaient des constructeurs de navires extrêmement talentueux, au point de créer LE navire de la situation : le drakkar (qu’eux-mêmes appelaient knörr). A la fois longs et fins, les drakkars étaient réalisés avec du bois de chêne et atteignaient généralement 18m de long et seulement 2,6 m de large. Les plus longs navires, appelés « Langskip », étaient ceux qui servaient pour la guerre et faisaient jusqu’à 28 m de long et 5 m de large. A titre d’exemple, le premier drakkar découvert fut un navire parfaitement conservé que l’on trouva en 1880 à Gokstad sur la rive du fjord d’Oslo et qui mesurait 23m de long et 5m de large…

Ils pouvaient comprendre 26 à 70 rames arrangées des deux côtés du navire. Il est également pertinent d’évoquer les nombreux boucliers posés sur les deux rives du drakkar qui, certes rendaient le navire agréable à regarder, mais qui permettaient surtout aux rameurs de se protéger en cas d’attaque. De plus, les rameurs s’asseyaient probablement sur des coffres disposés les uns derrières les autres et remplis d’affaires utiles telles que des vêtements. En outre, le pilote disposait d’une rame-gouvernail fixée sur le côté latéral droit du navire sans laquelle il ne pouvait donner la trajectoire qu’il désirait. Enfin, la description du drakkar ne serait complète si nous n’évoquions point le mat qui soutenait la voile de forme rectangulaire pouvant atteindre 150m2.

drakkar image.jpg

Naviguant à la fois à la voile et à la rame, le drakkar est donc un navire élégant et rapide qui fut perfectionné au IXe siècle et qui ne connaitra pas de modification majeure dans les siècles à venir, comme le confirment les vaisseaux du XIe siècle qui ont été retirés du fjord de Roskilde, devenue capitale politique des Vikings du Danemark peu après l’avènement de ce siècle.

En outre, les Vikings donnaient des noms peu communs à leur chefs-d’oeuvre tels que « Grand Serpent », « L’oiseau de mer », « Le corbeau du vent », « drakkar forme dragon proue.jpgLa vague marchante » etc. Si le nom « L’oiseau de mer » laisse quelque peu à désirer, le « Grand Serpent » est quand même super classe ! A ce sujet, la proue du drakkar représentait généralement la face d’un animal, du bélier au serpent en passant par le dragon (animal fabuleux hérissant le poil des ennemis). La forme en dragon de la proue est par ailleurs à l’origine même du terme « drakkar » créé au XIXe siècle. On parle en outre aisément de « Dragon ships » (parce qu’en anglais c’est plus stylé).

Nous pouvons, par ailleurs, ajouter à l’innovation ingénieuse que représente celle du drakkar une capacité à naviguer et à s’orienter manifestement peu commune. En effet, les Vikings utilisaient le soleil, la lune et les étoiles afin de guider leur trajectoire. En outre, la profondeur et la température de l’océan leur permettaient de déterminer leur position. Enfin, une espèce d’oiseau, appelée Fulmar boréal, fut également d’une aide précieuse pour ces navigateurs, compte tenu du fait qu’ils cherchaient à gagner la terre durant la nuit. Il ne restait plus qu’à suivre leur envol afin d’atteindre la terre.

L’étude des drakkars vikings nous permet ainsi d’appréhender l’ampleur et le nombre élevé de raids entrepris par ce peuple qui était fort novateur et ingénieux. Il est enfin intéressant de soulever la représentation des navires anglais et normands de tradition viking dans la tapisserie de Bayeux. Pour rappel, cette tapisserie qui, soit dit en passant, est la plus grande d’Europe avec ses 70m de long, narre la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, illustre descendant du peuple Viking qui devint roi d’Angleterre en 1066.

drakkar tapisserie de bayeux 2.jpg

 

[1] annales en vieil anglais probablement rédigées dans le Sud de l’Angleterre sous le règne d’Alfred le Grand, à la fin du IXe siècle dont le but était de relater l’histoire anglo-saxonne.

 

Sources :

The Penguin History of Europe, J.M Roberts, Book Two

Les raids Vikings à travers le discours des moines occidentaux; De la dénonciation à l’instrumentalisation de la violence (fin viiieixe siècle), Lucien Malbos

Article Viking, Encyclopaedia Universalis, Corpus 23

 

F.A

 

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